Et le Focke Wulf de Thumesnil ? La photographie ne nous permet pas de distinguer les codes de fuselage ni un quelconque insigne d'escadrille. Nous n'en saurons donc pas plus. Tout au plus peut-on penser qu'il s'agissait d'un avion d'une des deux escadres dont nous venons de parler. A la date du 28 mars 1944 le I./JG2 est à Diarolo [Italie]. Le II./JG2 est à Creil depuis août 1943 mais il vole sur Messerschmitt 109. Le III./JG2 est à Cormeilles en Vexin [Seine et Oise] depuis le 27 novembre 1943 avec ses FW 190A. Quant à la JG26, deux groupes volent sur FW 190, le premier groupe est stationné à Florennes [Belgique] et Lille Nord [Bondues] depuis le 25 novembre 1943 [4] . Le II./JG26 est stationné à Cambrai Süd depuis le 3 octobre 1943. Enfin, le III./JG26 se trouve à Etain Rouvres [Meuse] mais il a été ré-équipé en Messerschmitt 109.
Le FW190 de Thumesnil pourrait donc très probablement appartenir au III./JG2 ou aux I ou II./JG26, unités stationnées dans le nord de la France, bien que la 26ème escadre ne mentionne aucune perte ce 28 mars.
Il est 18h30, ce 28 mars, lorsque deux avions surgissent en rase mottes, l'un derrière l'autre sur la rue d'Haubourdin. Jeunes pilotes allemands souhaitant effrayer ou impressionner les autochtones ? Peut être. Sur le pavé d'Haubourdin, deux tonnes appartenant à Monsieur Masquelier, fermier à Ronchin. Chaque attelage se compose de trois Traits du Nord, des juments alezanes, chacune de ces tonnes a une capacité de trente hectolitres, son poids avoisine les trois tonnes. La première est conduite par Monsieur Pierre Masquelier, le conducteur de la seconde, Fernand Viseur, se trouve sur le marche-pieds de la première et discute. La seconde tonne suit à quelques mètres, sans chauffeur, mais les chevaux ont l'habitude… Ils reviennent de chez Cantraine, vidangeur installé à L'Epi de Soil où les citernes ont été remplies…
Monsieur Masquelier n'a pas entendu les avions arriver. Le premier saute la rue d'Haubourdin, le second redresse trop tard, semble pouvoir passer entre les deux équipages mais heurte de plein fouet la seconde tonne dont les trois chevaux sont tués; du premier il ne restera que de la bouillie, le second a été décapité et le dernier écrasé lorsque le chariot, ou ce qu'il en reste, s'est renversé dans le fossé. Le choc a été terrible, l'avion a perdu son aile gauche et sa dérive et a fini sa course dans un champ, près du hangar Lenglard, à l'emplacement actuel du central téléphonique. Au dos du document original il est mentionné qu'au moment où la photo a été tirée, le pilote se trouvait encore à l'intérieur, les soldats allemands ne sont pas encore arrivés, ce qui expliquerait d'ailleurs le grand nombre de curieux autour de l'épave. Le pilote recevra des soins donnés par Madame Chavatte-Kerckhove, 117 rue d'Haubourdin à Wattignies [5] . Il sera ensuite emmené à l'hôpital Calmette et y serait décédé. Pierre Masquelier a été renversé mais s'est relevé, il se lance aussitôt à la poursuite des chevaux indemnes qui se sont enfuis. Fernand Viseur, très certainement touché par des débris puisqu'il n'était pas sur la tonne heurtée, est mort, le visage broyé. Ce jour là, il devait aller labourer au Champ de Mars à Lille mais s'était fait remplacer. Pour pouvoir accompagner Pierre Masquelier, les deux jeunes hommes s'entendaient bien. Il avait vingt deux ans, habitait 14 rue du Commerce à Ronchin et était célibataire. L'acte de décès a été dressé à Wattignies.
Didier Lherbier.
Remerciements et sources : Monsieur Jean Pierre Lefevre, Monsieur Jacques Boidin, Monsieur Pierre Masquelier, Services de l'Etat civil - Mairies de Wattignies et de Ronchin, "Le Focke Wulf 190" – Lorant et Frappé – Docavia n°15 – éditions Larivière – 1981.