Les carrières de Lille-Sud « Tant
qu'il n'y aura pas Gwenaëlle Guerlavais |
Lille Sud, seule zone à risque de la métropole lilloise (carte : Gwenaëlle Guerlavais)
Une sécurisation coûteuse Un remblaiement de carrière coûte entre 2000 et 4000 F le m2, un pieux de renforcement 10000 F, pour des terrains qui, eux, valent 1000 F le m2. Si la carrière est en très mauvais état, les travaux de comblement peuvent valoir plus jusqu'à cinq fois le prix du terrain. Ce qui revient à faire renoncer le propriétaire à construire une maison, et le terrain devient invendable. En revanche, ceux qui ont déjà fait construire leur logement sont, selon l'article 522 du code civil, propriétaires du sous-sol et donc responsables en cas d'effondrement. Le maire, ayant en charge la police des carrières, peut les forcer à faire des travaux de sécurisation. Enfin, ceux qui, avant toute construction, veulent s'assurer de l'absence de carrière doivent aussi mettre la main au portefeuille. Un sondage coûte en moyenne 2 % du prix de la construction. De quoi dissuader. | haut de la page | |
Lille-Sud vit sur un gruyère. Pourtant, c'est le quartier le plus peuplé de la métropole. Des années 50 aux années 70, pas moins de 3500 logements ont été construits sur des secteurs à risque : les anciennes carrières. Faute d'informations, peu de précaution ont été prises. Une vingtaine d'effondrements ont été constatés par le service d'inspection des carrières souterraines (SDICS) depuis sa création, en 1966. La semaine dernière encore, rue Victor Tilmant, la chaussée s'est affaissée. Il n'y a jamais eu de mort, ni d'habitation démolie. « Il nous arrive même des histoires marrantes », raconte Etienne Kuffel, chef du SDICS. « Dans une courée, une femme balayait tranquillement, a tapé son balai un coup sec sur le sol. Et paf ! Le balai est tombé dans un trou de plusieurs mètres de profondeur. » « Les catiches (carrière en forme de bouteille) étaient suffisamment solides pour le socle de charrue et le cheval de l'époque. Mais, pas pour nos habitations et nos machines », explique E. Kuffel. « Et puis, depuis 3 ans, il pleut beaucoup. Or, la pluie alourdit le sol et fragilise la craie. » Les Lillois sont-ils informés des dangers ?Aucune réunion publique n'a jamais été organisée. « Mais, ils ont tous les moyens légaux pour savoir », se défend E. Kuffel. Encore faut-il savoir qu'il existe un plan d'exposition aux risques (PER). Encore faut-il le trouver. Pas la peine de se déplacer à la mairie de quartier. Tous les documents d'urbanisme sont centralisés à l'hôtel de ville. Au troisième étage, dans un bureau du service "Écologie Urbaine", le plan est consultable... derrière une porte. Pas de quoi s'asseoir pour l'étudier attentivement. Pas d'informations claires non plus. « Le PER est un document très technique », confie E. Kuffel. Or, « les employés de la mairie ne sont pas formés pour donner un avis. » Et les documents, accompagnant le plan, datent de 1976 ! Alors, pour plus informations, un seul moyen : aller au SDICS, à Douai. « C'est un tabou »« Il y a un manque de volonté politique d'informer, tant qu'il n'y aura pas de catastrophe », lâche Jean-Pierre Busine, employé municipal aux risques urbains, « car la sécurisation coûte extrêmement chère. » Pour E. Kuffel, « le Conseil général a d'autres priorités, comme la sécurité routière. » Pour M. François, président de Sub Artésia, une association qui défend le patrimoine souterrain, les dangers que représentent les carrières, « c'est un tabou. » Un secret de Polichinelle auquel participent certains notaires. « Divulguer l'existence de carrière casserait la vente », lance E. Kuffel. Certains habitants même informés restent inconscients. « A Lille Sud, les catiches sont facilement ouvrables. Ils y déversent leurs ordures ménagères et ruinent la stabilité des piliers à cause d'agents oxydants », poursuit E. Kuffel. « Mais ils ne veulent rien entendre. Ils détruisent eux-même le sol où ils habitent. » Jusqu'au jour où...
Florilège d'effondrements
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Lille - mars 2001