Insolite |
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En menant des travaux dans son sous-sol, Michel Colas, un commerçant du Vieux-Lille, est allé de surprises en surprises. Tout commence en 1992. Lassé de subir des inondations à répétition dans sa cave, Michel Colas se décide à mener des travaux d'assainissement. Il perce alors un mur et débouche sur une espèce de galerie secrète, située en contre bas. Un tunnel de deux mètres de haut sur un de large, jusque là caché du reste du monde, s'élance derrière la paroi qu'il vient d'abattre. La galerie est tellement longue qu'il n'en voit pas la fin. A l'intérieur l'odeur de pourriture est suffocante : les murs suintent de partout et des plaques de mousse d'un vert humide tapissent le plafond voûté. Le conduit est lui-même à moitié inondé. A la surface des cinquante centimètres d'eau, flotte une épaisse couche de moisissure jaunâtre. On dirait une rivière de vomi... Pourtant, Michel décide de s'y engager. La curiosité l'emporte sur le dégoût qu'inspirent les lieux. Le voilà donc qui s'improvise spéléologue : vêtu d'un bleu de travail, une paire de botte aux pieds, il a même récupéré un casque sur lequel il fixe une lampe de poche. Ainsi équipé, il est fin prêt à affronter les secrets que referme ce mystérieux conduit. En progressant dans le tunnel, il découvre un véritable réseau avec plusieurs ramifications. Certaines d'entre elles le mènent sous la Grand-Place. Des canaux sous la Grand-PlaceDe retour à la surface, il fonce au service des archives. Sur d'anciennes cartes, il découvre que le passage sous-terrain qu'il vient de mettre au jour est l'un des plus anciens réseaux d'assainissement de la ville. Il aurait été construit en 1687, en même temps que la Vieille Bourse et les maisons du Beau-Regard, où Michel possède son commerce. « En fait au moyen-âge, Lille ressemblait à Bruges, explique-t-il. Il y avait des canaux partout. Avec l'essor industriel, on les a transformés en égouts et on a construit des maisons par dessus. » Mais Michel n'en oublie pas pour autant ses problèmes d'inondation : il fait appel à une entreprise spécialisée pour assécher et ventiler les lieux. Ces travaux ne permettent toutefois pas de retirer la boue gluante qui, au fil des siècles, s'est amassée au fond de l' ancien égout. Alors, il entreprend de la déblayer lui-même. Muni d'une pelle et d'un seau, il s'attaque au chantier et, « par curiosité », entreprend de filtrer les paquets de vase qu'il récolte. Et là, nouveau coup de théâtre : dans les quatre premiers seaux qu'il tamise, il récupère une vingtaine de pièces de monnaie d'époque : « J'ai donc décidé de continuer mon filtrage. Le jeu en valait la chandelle », raconte-il. 10 m3 de boue au peigne finLa tâche est immense : 10 m3 à passer au crible, l'équivalent d'une benne de camion. Mais la passion le dévore. Il passe tous ses week-end à nettoyer et à fouiller ce magma à l'aspect si repoussant. Michel Colas n'est pas d'une nature très expansive. Pas du genre à laisser transparaître ses sentiments ou à s'enflammer. Pourtant, son il brille lorsqu'il évoque, sur un ton neutre certes, cette période de fouille : « Je ressentais une certaine excitation en travaillant. J'avais l'impression de découvrir un véritable trésor. » Finalement, après plusieurs mois d'efforts, il remonte près de six cent cinquante objets : pièces, poteries, scellés, plombs, boutons, médailles et pipes en tout genre, ils sont aujourd'hui exposés en vitrine dans son bureau. Le plus ancien date de 1505. « Il s'agit d'objets de la vie de tous les jours », analyse Michel. « Ils se sont retrouvés au fond de l'égout parce que les gens les laissaient tomber de leurs poches, par inadvertance. » Ce n'est qu'un débutM. Colas n'a pas toujours eu la bénédiction des archéologues municipaux. On lui a reproché d'avoir agi un peu trop en solo. Mais aujourd'hui, ces querelles sont oubliées. Michel souhaiterait que sa découverte profite au plus grand nombre : il envisage de mener des travaux pour rendre visibles aux passants les anciens égouts. En attendant, il continue un peu à creuser, quand il en a le temps. Deux ans après sa première découverte, il a trouvé un dépotoir moyenâgeux sous un autre immeuble. « Cette fois-ci, j'ai forcé le hasard », admet-il. Car il en est persuadé, il reste de nombreux trésors comme le sien dans le sous-sol lillois. Et il s'est promis, une fois à la retraite, d'aller les retrouver. |
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Lille - mars 2001