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EN CE TEMPS-LA
FACHES-THUMESNIL

De passage dans les carrières souterraines

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L'histoire insoupçonnée des sous-sols de la métropole

De passage dans les carrières souterraines

Marine Lamoureux


 

Les carrières qui émaillent le sous-sol de la métropole, en particulier le village de Lezennes, n'ont pas seulement servi à l'exploitation de la craie. Au cours de l'histoire, les habitants les ont reconverties en fonction de leurs besoins, tout en véhiculant nombre de légendes sur ces cavités. Des carrières-refuge aux champignonnières, coup d'oeil sur ceux qui ont traversé ce labyrinthe souterrain.

1668. Deux mille hommes travaillent d'arrache-pied dans les carrières de Lezennes. Prisonniers de guerre pour certains, paysans requis pour la plupart, ils doivent extraire, comme l'exige Vauban, deux mille parpaings de craie par jour pour la construction de la Citadelle et des fortifications de Lille. Les carrières souterraines de Lezennes font partie des plus anciennes de la métropole. Leur exploitation remonte au XIe siècle. A l'époque où Louis XIV ordonne à Vauban de « ne ménager ni l'argent ni sa peine [...] pour construire une citadelle imprenable », elles fournissent l'essentiel de la pierre à bâtir de la ville de Lille.

Le Palais Rihour, l'Hospice Comtesse, la Porte de Paris sont faits de craie blanche de Lezennes. Le centre du village est complètement sous-miné, tout comme certains secteurs de Hellemmes, Lille-Sud ou Fâches-Thumesnil, creusés pour faire face aux besoins croissants de pierre à bâtir et de chaux.

On s'y cache

Dans une région qui fut le théâtre de nombreux affrontements, ces carrières ont permis aux populations assiégées de se cacher en sous-sol. On trouve des traces d'occupation dès le XVIe siècle, au moment des raids des troupes de Charles Quint. Bien plus tard, des inscriptions sur les parois de craie - comme celles de la carrière de la rue Kléber, à Fâches - indiquent que des déserteurs de l'armée napoléonienne s'y sont cachés. On peut ainsi y lire « Nous sommes trois soldats forcés par Napoléon empereur de France merde pour lui. Loui 18 par la grâce de Dieu venez nous délivrer du sort que nous souffrons en 1815 » (1).

Les inscriptions, mais aussi les vestiges témoignent de séjours parfois prolongés, comme cette statue de la Vierge et cet autel, retrouvés dans une cavité sous Lezennes. « Les carrières du village, accessibles par l'ancienne mairie, servaient d'abris. Elles permettaient aux habitants d'échapper aux bombardements allemands de 1939-40 » raconte Claude Blondel, adjoint au maire et membre du comité de la pierre de Lezennes. Les galeries souterraines de Lille-Sud, quant à elles, étaient suffisantes pour abriter quarante mille personnes.

On s'y perd

Dans plusieurs secteurs de la métropole, un grand nombre d'habitations possèdent alors un accès. En effet, depuis les années 1920 et la fin de l'exploitation de la craie « supplantée par la brique et le ciment » comme l'explique Etienne Kuffel, directeur du service départemental d'inspection des carrières souterraines, des particuliers ont su reconvertir les cavités. Champignonnistes et exploitants de barbe de capucins - une endive au goût très amer - y ont installé des cultures. 

Celles-ci ont aujourd'hui quasiment disparu, mais les accès existent toujours. Une aubaine pour les curieux, qui ont tenté de retrouver, sans mesurer le danger, un endroit que les imaginations locales ont dénommé le "Lac bleu". A cet endroit, les eaux ont envahi une cavité, prenant une couleur bleutée au contact de la roche. Partis à la recherche de ce lieu mythique en 1982, deux adolescents se sont perdus dans le labyrinthe inextricable des galeries souterraines de Lezennes. Ils y ont passé deux nuits glaciales avant d'être retrouvés, grâce à la mobilisation de trois cents secouristes.

On raconte aussi qu'un trésor est caché dans les carrières du village. 400 000 marcs d'or que Jean Sans Terre aurait dissimulés après la bataille de Bouvines, en 1214. Mieux vaut pourtant s'abstenir ! Une expérience menée récemment révèle qu'une personne risque de ne plus retrouver l'accès après une progression de vingt mètres dans ces galeries étroites et obscures. La mairie de Lezennes projette d'ouvrir les carrières souterraines au grand public en 2004, ce qui permettra de découvrir ce patrimoine à travers un circuit didactique.

(1) Cette inscription, tout comme de nombreuses informations figurant ici, sont extraites de l'ouvrage de Bernard Bivert, "Les souterrains du Nord", Nord patrimoine Ed., 1999. (retour)

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© ESJ - Lille - mars 2001