Recouvert,
muré et asséché, le canal des Jésuites aurait
pu sombrer dans l'oubli. Mais son excellent état et sa valeur de
témoignage historique du passé lillois ont attiré
l'attention d'un cabinet d'architectes. Désormais le canal sera
intégré à la préfecture qui le surplombe.
Lille,
début du XVIIIe siècle. Comme chaque jour des femmes à
bord de petits bateaux empruntent l'étroit canal des Jésuites
pour se rendre aux Bois-Blancs. Là, elles profitent des eaux courantes
pour laver le linge sale des Lillois. Mais depuis quelques années
déjà les Jésuites se plaignent de leur comportement.
« Scandaleuses », « trop bruyantes »...
Elles troublent leur quiétude.
1713,
pendant des journées entières, des ouvriers s'agitent autour
du canal. Les Jésuites ont enfin obtenu l'autorisation de voûter
la portion du canal qui traverse leur collège. Ils le font recouvrir
à leurs frais jusqu'à l'abreuvoir. Les blanchisseuses ne
pourront plus livrer leurs clients par bateaux. Désormais leur
commerce se fera à l'aide de petites voitures traînées
par des chiens. Le canal devenu insalubre est oublié.
Un canal abandonné
Oublié,
il le reste longtemps. En 1762, le collège des Jésuites,
ouvert depuis 1656, est fermé par ordre du roi. Sous la direction
de sieur Gombert, architecte de son état, des travaux sont entrepris.
Les locaux sont étendus et surélevés mais le canal
reste en l'état. En 1781 par lettre patente du roi Louis XVI, l'Hôpital
militaire est transféré et installé à la place
de l'ancien collège des Jésuites. Il y restera jusqu'en
1999. En mars 2000 c'est la préfecture du Nord qui reprend les
locaux. De grands projets s'élaborent autour du canal.
![conduit dans un canal](esj_soussol/partc/images/c6a.jpg)
Aujourd'hui
seul un observateur attentif peut soupçonner l'existence de ce
canal. Sous une des portes de la préfecture, des pierres de taille
disposées en arc de cercle trahissent sa présence. Guidé
par la puissante lampe torche de Philippe Colin, employé à
la cellule travaux du bureau de la gestion de la préfecture, le
visiteur pénètre dans le dédale des sous-sols de
la préfecture. Après avoir descendu quelques marches, dans
une salle obscure suintant l'humidité, il doit se plier en deux
pour passer une seconde porte de moins d'1m60 de hauteur.
Un
dernier bond sur une canalisation d'un mètre de diamètre
et le visiteur atterrit enfin dans le canal proprement dit. Propre, relativement
sec, le canal conserve la trace de passages humains. L'électricité
y a été installée, l'eau y a été drainée
plus bas sous terre, à l'aide de puissantes pompes
Renaissance
Une
barque échouée, pourrie par les années, un ancien
quai de débarquement, des traces encore très nettes de ce
qui a dû être autrefois l'emplacement d'une herse pour barrer
l'accès du canal aux indésirables... Ces vestiges témoignent
du vivant passé de ce canal.
Passé
qui pourrait bien renouer avec le futur. Le canal des Jésuites
est en effet appelé à une seconde vie. Soucieuse de mettre
en valeur cet élément du patrimoine lillois, la préfecture
a fait appel à un cabinet d'architectes. C'est Inha'Rchitects qui
a remporté le concours et a entrepris de dessiner les plans de
la nouvelle préfecture qui devrait voir le jour d'ici 2006.
Le
canal ne passera plus inaperçu. Une partie de la voûte qui
le recouvre sera démontée et cette portion d'une quarantaine
de mètres ainsi dégagée sera intégrée
au bâti. Les visiteurs déambuleront désormais dans
un hall d'entrée d'où ils pourront admirer ce morceau de
canal découvert et réhabilité.
Lire
également : "Des tunnels aquatiques
dans "l'isle"
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