Revenons au 21ème RI et au lieutenant Weber : "Le commandant Gentelet m’avait fait appeler à Petit Ronchin. Je suivis avec mes hommes la voie ferrée vers l’est et entrai dans le faubourg. Laissant mes hommes derrière les maisons, j’allai voir le commandant. Je le trouvai au sud du chemin de fer, sur le chemin allant à Lille, d’où il dirigeait l’attaque sur Ronchin. Il me confia la mission de couvrir le flanc droit de l’attaque et de marcher sur le groupe de maisons rassemblées autour du calvaire entre Faches et Lesquin. En le quittant, je rencontrai des jeunes gens de quatorze et quinze ans, boy-scouts qui faisaient le service de brancardiers et d’éclaireurs mieux que les anciens. Ils m’apprirent que Faches était occupé. Je revins le dire au commandant qui me recommanda d’avancer avec précaution pour ne pas tomber sous les coups de feu de flanc. Une patrouille marchait à l’avant ; une à droite, les autres suivaient par les fossés de la route. Tout alla très bien. On ramassait en passant des bicyclettes ennemies. Quelques cadavres de deux parties, un civil exécuté gisaient dans les champs. J’avançai rapidement. Sur la route, quelques blessés allemands ; deux s’étaient mis dans l’aqueduc passant sous un chemin ; un coup de feu d’une patrouille de flanc de la 2ème les fit sortir ; on escorta ces prisonniers jusqu’à Lille où le lieutenant porte-drapeau Belot eut de la peine à les défendre contre la fureur des femmes. En avançant, on vit une troupe se diriger sur Faches ; après examen on y reconnut des territoriaux qui allaient occuper le village lâché par les Allemands. Je pouvais donc marcher hardiment, étant couvert sur mes deux flancs. Nous parvînmes ainsi jusqu’aux premières maisons groupées autour du calvaire qui formait mon objectif. Il y avait là deux caissons de la batterie de 77 qui nous avait canonnés et que notre artillerie avait mise en fuite. Les chevaux gisaient éventrés. Ma patrouille se précipita pour piller les caissons : on y trouva du vin, des gâteaux, d’excellents cigares. Je faisais suivre mes hommes, faisant la navette sur la route, à bicyclette, entre eux et la patrouille de tête.
Tout d’un coup, je vis déboucher de Faches une compagnie de territoriaux. Les hommes furent déployés derrière la route, face à l’est ; les officiers se promenèrent sur la route pendant que des patrouilles allaient fouiller toutes les maisons de l’agglomération que ma patrouille avait déjà dépassée et que le gros de ma troupe atteignait. De quoi s’agissait-il ? Permettre à l’artillerie d’enlever les deux caissons. Tant de précautions n’étaient pas nécessaire : j’aurai pu suffire à la sécurité de l’opération. Un sous officier logea une balle dans la tête d’un cheval qui vivait encore ; un de mes coups de révolver l’acheva.
On détela les caissons, pillés déjà de ce qu’ils avaient d’intéressant et on les enleva : les territoriaux furent cités pour avoir pris de haute lutte un canon à l’ennemi ! Heureusement que toutes les citations ne sont pas de ce genre."
Ravitaillé par les habitants de Lille, le 2ème bataillon arrive à son tour dans la ville. A partir de 10h, un détachement du 109ème régiment d’infanterie a pris part à l’attaque menée sur Ronchin[note] .
Le 21ème RI continue sa course après sa victoire à Ronchin. Le 2ème bataillon atteint Lesquin vers 14h. Vers 16h il ouvre le feu sur des groupes ennemis assez éloignés et poursuit même jusque Fretin où il s’arrêtera provisoirement, harassé, vers 17h.
A l’est de Faches, le Moulin de Lesquin est encore aux mains ennemies. Les sections Hans et Saulnier de la 9ème compagnie du 8ème RIT, renforcées par la section Verley et les mitrailleuses de Lobry attaquent mais là encore les Allemands n’ont pas attendu leur arrivée.
A 22h les 1er, 2ème et 3ème bataillons du 21ème RI avancent vers le sud, la 121ème compagnie du 3ème bataillon avance jusqu’au fort de Seclin que l’ennemi a abandonné, le bataillon au complet s’y installe. Jean Julien Weber du 21ème RI reste quant à lui sur ses positions : "La nuit était venue et je me mis à organiser ma conquête : un petit poste d’une demi-section sur la route de Douai barricadée, une demi-section sur celle de Lesquin (celle de Séguy), un petit poste sur la route de Faches, pour se relier aux territoriaux qui occupaient des tranchées déjà faites ; le reste en réserve en arrière. Je fis prévenir le commandant Gentelet que j’étais arrivé et lui donnai le croquis de ma position. J’envoyai une patrouille de liaison avec la 2ème compagnie établie devant Ronchin : elle ramena un Allemand ivre ayant l’œil arraché ! Il vomit copieusement du vin. Les maisons étaient pillées, plusieurs brûlaient ; des vaches beuglaient, échappées de leur écurie en feu. Je me plaçai sur la grand-route, dans une maison d’ingénieur, où je pouvais faire de la lumière. Ma réserve était dans le fossé de la route en partie, et en partie bordait la lisière est du village. Je mangeai un peu, en compagnie de mes deux agents de liaison. J’étais à la fois content et inquiet. J’allai inspecter mes installations. Je pouvais à peine marcher. Le talon droit me faisait un mal horrible."