En voulant illustrer l'article précédent, j'ai retrouvé les articles de "L'ILLUSTRATION, JOURNAL UNIVERSEL" de début septembre 1867 retraçant les "Fêtes de Lille" à l'occasion de la visite de Napoléon III à Arras puis à Lille. J'ai trouvé intéressant de vous les partager.
Je suis arrivé dimanche dans l'après-midi et je me suis immédiatement mis à l'œuvre, ce qui était facile, car les préparatifs commencés depuis plusieurs jours, touchaient à leur fin, et annonçaient d'une manière imposante que la ville était prête à faire aux hôtes illustres qui venaient la visiter, une réception digne d'eux et digne d'elle. Les arcs de triomphe, les drapeaux, les bannières, les décorations de toutes sortes achevaient de se dresser. Le cortège des compagnies d'archers, d'arbalétriers, de sarbacanniers, parcourait les rues, puis venaient les sociétés chorales et orphéoniques, au nombre de plus de soixante-dix, que réunissaient bientôt après un double festival donné, place du Château par les chanteurs, et place Richebé, par les musiques d'harmonie et les fanfares. Lundi, dès le matin, les trains extraordinaires, qui arrivaient sans interruption depuis avant-hier, se succèdent à des intervalles de plus en plus rapprochés, et versent à la gare du chemin de fer une foule dont les flots augmentent d'instant en instant, et font ressembler la ville à une ruche immense. Aux populations venues de toutes les localités environnantes, se joignent des hôtes venus de plus loin, de Belgique, d'Allemagne même; trois cent mille personnes se pressent dans les rues et sur les places, et vous vous imaginerez cet immense concours quand je vous aurai dit que les seuls membres des députations venues au devant de Leurs Majestés sont au nombre de plus de cinquante mille.
Dès deux heures, la circulation devint complètement impossible; les sapeurs pompiers, sociétés de bienfaisance, députations ouvrières, corporations de tous genres, bannières et tambours en tête, se rangent sur le parcours du cortège impérial, tracé par des mâts à oriflammes dressés à droite et à gauche; sur tout ce parcours, qui est de près de quatre kilomètres, le pavé est recouvert d'une couche de sable fin qu'on a fait venir de Dunkerque.
Partout les fenêtres, les balcons, les corniches et les moindres saillies des toitures, sont garnis de grappes de têtes curieuses, enthousiastes et frémissantes d'impatience. Malheureusement, le ciel resplendissant toute la matinée, se couvre de nuages; de larges gouttes de pluie dénotent un orage qui approche. Enfin, à cinq heures, le canon se fait entendre, les cloches sonnent à toute volée et annoncent l'arrivée du train impérial. Leurs Majestés entre dans Lille et se rendent à l'église Saint-Maurice, où elles sont reçues par Mgr l'archevêque de Cambrai. Un rayon de soleil qui parait entre deux ondées, éclaire le cortège au moment où il passe sous la porte de Paris, et j'en profite pour terminer à la hâte le dessin que je vous envoie. A la sortie de l'église, après le Te Deum, la pluie redouble d'intensité; on presse Leurs Majestés de ne pas continuer leur marche en voiture découverte; l'Impératrice s'y refuse, et c'est en légère robe blanche, sans même recourir au faible abri de son ombrelle, qu'elle se tient à côté de l'Empereur pendant le parcours de l'église à la Préfecture.
Cette résolution de l'Impératrice ajoute encore à l'enthousiasme, et c'est aux applaudissement frénétiques de la foule, reconnaissante de gracieuse condescendance, que s'accomplit ce trajet.
A la semaine prochaine d'autres détails et la suite de mes dessins.
P. Blanchard