Avant la guerre, la Belgique doit importer plus de 30% de son alimentation. Suite à l’invasion, sa situation devient catastrophique.
Le 22 octobre 1914, à l’instigation de l’industriel belge Ernest Solvay, Brand Whitlock, ambassadeur des Etats-Unis à Bruxelles, le Marquis de Villalobar, premier ambassadeur d’Espagne en Belgique, des diplomates hollandais et Herbert Hoover fondent la Commission d’aide à la Belgique, le CRB (Commission for Relief in Belgium). Ce comité s’occupait de la recherche et de l’achat de nourriture et organisait aussi le transport. Il était sous le patronage des ambassadeurs des Etats-Unis et de l’Espagne. C’est pourquoi il est mieux connu sous le nom de Comité hispano-américain. Herbert Hoover, qui sera élu président des Etats-Unis en 1928, met en place la plus grande organisation humanitaire de tous les temps. Le siège social est à Londres. Les produits proviennent soit de dons soit d’achats dans des pays neutres, comme l’Argentine.
Les cargaisons sont déchargées à Rotterdam et transportées principalement par voie fluviales dans des chalands scellés par la commission et les douanes belges. Arrivés aux points de distribution des agents vérifient les bordereaux au départ de Rotterdam afin de s’assurer qu’il n’y a pas eu détournement de marchandise.
Dans la région lilloise la situation alimentaire est difficile dès le mois d’aout 1914. A Fives une épicerie est saccagée le 1er aout 1914 par un millier de manifestants qui accusent le tenancier d’augmenter ses prix de manière exagérée.
Les allemands réquisitionnent pour nourrir leurs soldats et ne veulent pas prendre en compte la population civile. Ils suggèrent au Maire de Lille de solliciter la Suisse qui a aidé des villes françaises pendant la guerre de 1870. Suite à son refus, des contacts officieux sont établis dès janvier 1915 pour que le CRB étende son action aux territoires occupés français considérés comme la onzième province belge. Cependant, les conventions entre le CRB et l’armée allemande ne seront signées qu’en avril 1915. L’armée allemande s’engage à ne réquisitionner ni les marchandises, ni les attelages qui les transportent. Le CRB reçoit de l’argent du gouvernement français de manière détournée alors qu’il affirme officiellement qu’il n’a pas à nourrir les habitants des territoires occupés.
En mai 1915, les premières distributions de pain se font à Lille.
Le Comité d’Alimentation du Nord de la France, CANF, distinct de l’Administration, est constitué par 18 membres, principalement des industriels, sous le patronage de l’Archevêque de Cambrai et l’Evêque de Lille. Il est présidé par Louis Guérin, industriel linier et membre de la Chambre de Commerce. Les autorités d’occupation n’ont jamais autorisé ses membres à se réunir. Le CRB fournit des denrées au CANF, celles-ci sont alors cédées aux communes en échange de bons municipaux puis, par la suite, de mandats de remboursement enregistrés par la Trésorerie Générale. Le CANF achète aussi des denrées aux allemands. Une convention a été signée avec l’armée allemande qui assure 180 grammes de farine par jour et par habitant, prélevée sur la récolte de l’année qu’elle avait réquisitionnée. Elle ne sera pas respectée du fait des mauvais rendements et la dotation par habitant ramenée à 100 grammes.
Médaille en bronze, commémorative du Comité d'alimentation du Nord de la France - C.R.B. 1914 - 1918.
Gravée par Victor PROUVE. Datée 1919. Diamètre = 68 mm Poids net = 150 grammes.
Parallèlement le comité hollandais est lui aussi fournisseur des communes avec l’aide de la Banque Hollandaise avec laquelle certaines grosses municipalités, supposées solvables, ont négocié des emprunts. L’agitation sociale est importante. Le 15 juin 1916 à Rotterdam, il y a des manifestations contre la cherté des vivres. Dans le voisinage de l’hôtel de Ville, la police à cheval a dû tenir tête à plusieurs reprises à de violentes attaques et n’a pu disperser la foule excitée qu’à l’arme blanche . Celle-ci s’est ensuite dirigée dans l’intérieur de la ville en lançant des pavés et en cassant les devantures des magasins. Face à cette agitation sociale le gouvernement limite les exportations vers le Nord de la France.
A l’entrée en guerre des USA en 1917, pour garder une certaine neutralité, le comité change de nom pour devenir Hispano-Hollandais.
Le CANF dont le siège administratif est situé à Bruxelles comprend 6 districts dont les limites ont été tracées par l’occupant : Lille, Valenciennes (Douai et Cambrai), Vervins, Charleville, Longwy et Saint Quentin. Maubeuge constitue une exception car il est ravitaillé par le comité belge. La responsabilité financière est assumée par le comité de district.
Le district de Lille regroupe 26 communes, Vendeville est la plus petite. Il est présidé par Louis Guérin qui représente le Comité d’Alimentation à Bruxelles, Paris est Londres, c’est l’une des rares personnalités autorisées à se déplacer. Edmond Labbé, inspecteur de l’enseignement technique et Pol Collinet, professeur de droit à la faculté, sont maitres d’œuvre sur place. Les comités locaux comprennent principalement des représentants des municipalités, les comités de districts, des élus et des industriels.
La CANF qui assure le transport, la fabrication et la vente, repose sur l’activité de plusieurs centaines d’agents de confiance qui ont une bonne implantation locale. Ceux-ci sont recrutés parmi les fonctionnaires de l’Etat, mis à disposition avec l’accord de leur hiérarchie, des agents des postes, des impôts et des chemins de fer au chômage du fait de la guerre. En 1918, ils sont rappelés par leur administration, le CANF a des difficultés à trouver du personnel capable de les remplacer.
Les magasins communaux se substituent au commerce de détail, afin d’éviter les fuites. Ils vendent directement aux habitants à prix fixe et modique.
Le comité d’alimentation du Nord de la France à Lille,
Archives Départementales du Nord : 30 Fi guerre 14-18/331