Le 17 novembre 1914 une affiche précise : Il est interdit aux officiers, membres du corps de santé, employés et hommes de troupe d’exercer des réquisitions personnelles. Les achats faits dans les magasins doivent être payés comptant. Les autorités et commandants de troupes ont seuls, qualité, pour demander des bons de réquisition à la Kommandantur et pour payer avec eux les marchandises prélevées.
Quand on voit la manière dont les bons de réquisition sont remplis on peut avoir certains doutes sur la procédure. La consigne visait d’abord à éviter le pillage par la troupe. Le lieutenant qui réquisitionne un chariot à Vendeville le 19 décembre, faute de mieux, authentifie son acte avec le timbre de la Mairie.
Il est difficile d’évaluer le montant des réquisitions sur la production locale. Nos ancêtres n’ont pas toujours jugé utile de conserver des bouts de papier, rédigés en allemand. Les rares qui nous sont parvenus concernaient de grandes quantités et pouvant être utilisés pour des demandes de dommages de guerre. Nous ne pouvons évoquer cette époque que sur de petits échantillons qui toutefois nous donneront une vue de l’ensemble.
Les lapins sont très surveillés par l’autorité. En ville tout le monde en fait élevage. Emile Ferré, rédacteur en chef de l’Echo du Nord, (aujourd’hui Voix du Nord) raconte sa visite chez le Maire de Lille :

Monsieur Charles Delesalle me faisait les honneurs de son jardin. La grande pelouse où venaient s’ébattre le dimanche, les enfants du quartier - car M. Ch. Delesalle ouvre libéralement les portes de sa propriété aux familles du voisinage - est transformée en un vaste guéret . Comme je manifeste quelque étonnement, le maire me dit :
Oui, j’ai sacrifié ma pelouse comme vous voyez et j’ai planté des pommes de terre.
Après la culture, l’élevage. Non loin des écuries, il y a des caisses d’emballage, couvertes d’un grillage à grandes mailles. Ça, poursuit le maire, c’est mon parc à lapins. Car j’élève des lapins, en prévision des jours de disette. Dans les écuries, où les chevaux, depuis longtemps réquisitionnés, ont laissé la place libre, des poules s’ébattent en picorant. Le maire de Lille élève aussi des poules…
Face à cet engouement pour le lapin, les allemands profitent de la nécessité d’un laisser passer pour aller d’une commune à l’autre pour empêcher ceux de de Ronchin d’être vendus à Lille. Toutefois certains de leurs soldats livrent la précieuse marchandise à Lille, moyennant pourboire. Pour nourrir un lapin, il faut cueillir de l’herbe fraiche dans la campagne, ce qui n’est jamais respecté et, de plus, c’est parfois amélioré par un petit écart dans le champ de trèfle du fermier voisin. Que de fois de pauvres femmes sur le point de regagner leur domicile avec un faix d’herbe sur le dos virent arriver vers elles de vigilants policiers montés sur des bicyclettes rapides : « Donnez-moi votre carte d’identité Madame » demandait rudement cet homme sans entrailles. L’interpellée s’excusait humblement et l’homme filait à toute allure vers la rue et le numéro indiqué. Lorsque, une heure après, la malheureuse arrivait à sa pauvre maison, tous ses lapins avaient disparu. Non seulement elle s’était fait voler son garde-manger et de plus, elle devait payer une amende à la kommandantur pour récupérer ses papiers.
En 1916 une affiche précise : Les habitants ne doivent pas posséder plus de 3 grands lapins, 15 jeunes (plus de 3 semaines) dans leur clapier. La Kommandantur donne jusqu’au 31 juillet à midi pour se mettre en règle. Passé ce délai, des visites seront faites et l’excèdent réquisitionné. Ceux qui seront pris dans les champs cultivés ou dans les champs de trèfles pour chercher de la nourriture pour leurs lapins seront punis sévèrement et leurs lapins confisqués.
A Templemars, les lapins sont l’objet d’un conflit avec Madame D…, employée des postes âgée de plus de 50 ans : Je soussigné Jules Duponchel, garde champêtre de la commune de Templemars, certifie que le 24 juillet 1916, à neuf heures du matin, je me suis présenté chez Madame D… accompagné de deux soldats allemands chargés de réquisitionner des lapins. Cette dame après avoir désigné son voisin comme ayant quinze lapins, me reprocha de ne pas avoir conduit les soldats chez ce voisin ML…ainsi que chez MP… donnant comme raison que ces messieurs font partie des tripoteurs de la mairie et que ce procédé était honteux.