La correspondance entre les comités locaux, les mairies et le CANF signale un certain nombre de dysfonctionnements qui ne relèvent quasiment jamais de malversations mais plutôt du climat local.
Il a fallu improviser une structure, les personnels disponibles n’ont pas toujours le profil de l’emploi, les ayants droit ont parfois des réactions disproportionnées. De plus, les comités locaux achètent parfois des produits qui ne viennent pas du comité Hispano Américain et ne font pas de comptabilité séparée.
En avril 1917, le comité de Faches propose à la vente des allumettes et du cirage vendu au détail ; il en a acheté un tonneau.
A Templemars, en Janvier 1918, le comité vend du tabac, des cigarettes et des tripes.
Les variations d’un village à l’autre sont ressenties comme des injustices. Les bénéfices faits sur un produit sont parfois réinvestis pour en vendre un autre en dessous du prix d’achat ou distribuer du pain gratuit aux indigents. Cette ambiance délétère donne lieu à des courriers de réclamation dans lesquels on peut parfois trouver des justifications de basse politique.
Il faut aussi noter l’existence de lettres anonymes au contenu injurieux. L’année 1916 est riche en documents, ce qui peut s’expliquer par deux raisons : la fatigue de la guerre, certes, mais aussi la difficulté d’organisation due au plus grand nombre de produits disponibles fournis par le CANF ou achetés par les comités locaux.
Les réclamations des comités auprès des allemands sont reçues par le Capitaine Bahr. Ses interventions sont bien souvent mises de côté par des officiers d’un grade supérieur. Contrairement aux conventions, les militaires n’hésitent pas à réquisitionner les chevaux du comité local ou à supprimer le laissez-passer du préposé chargé d’aller chercher les denrées au dépôt.
Dans le même temps, les allemands qui craignent des troubles en ville appuient les décisions municipales.
En 1915, la mairie de Lille s’est engagée à ordonner la fermeture, pour une durée d’au moins quatre semaines, des magasins qui n’observeraient pas les prix maxima.
En 1916 les condamnations prononcées par la justice militaire allemande sont sévères :
200DM ou 20 jours de détention pour avoir vendu des œufs ou des épinards à des prix supérieurs aux maxima établis.
500DM ou 50 jours de détention pour avoir vendu des comestibles pour lesquels il n’avait pas été fixé jusqu’ici de prix maxima, à des prix exorbitants, en partie à des prix usuraires.
Même les clients sont poursuivis : 200DM ou 20 jours de détention sont prononcés à l’encontre d’une dame Vermeersch pour avoir, comme acheteuse, payé un prix d’achat beaucoup trop élevé pour du fromage.