Les poules et les œufs sont des productions familiales traditionnelles. Bien vite les poules sont recensées et s’il en manque une, il faut bien vite faire constater son décès par qui de droit afin de ne pas encourir une amende. Vendeville est une petite commune qui doit faire face à des réquisitions à son échelon. Le 18 juin 1915 elle doit donner deux coqs et trente poules, et en juillet 768 œufs. Ce prélèvement correspond sensiblement à un œuf par jour pour trois poules.
Le prélèvement de pomme de terre, aussi à l’échelon de la commune : le 9 décembre 1915, il faut livrer 15 tonnes de pommes de terre à l’Arbrisseau à Wattignies. En fin de guerre, la surveillance s’étend aux jardins des particuliers. L’hiver rigoureux et le printemps humide mettent en cause les cultures. Le 26 juin, une note de la Kommandantur d’étape de Seclin aux Kommandanturs de Wattignies et Templemars interdit jusqu’à nouvel ordre ! sous les peines les plus sévères de déplanter les pommes de terre des jardins.
Dés février 1915, l’occupant impose des directives pour les cultures. Tous les champs dans lesquels on a récolté dernièrement des betteraves, des pommes de terre et de l’avoine doivent être ensemencés avec du blé. Les cultivateurs qui n’ont pas ou pas assez de chevaux pour ce travail doivent en informer de suite le commandant de place. On peut acheter des graines de semences à Templemars ou à Ascq. Cette décision sera biaisée dans son application par des réquisitions inadaptées. Par exemple, à la ferme Carré à Vendeville on saisit quarante boules de ficelle de moissonneuse. Comment peut-on récolter de cette façon ? Il en est de même des sacs à blé ou à farine dont la réquisition bloque sérieusement le transport des produits.
De nombreux témoignages donnent à penser que les allemands ripaillaient. En 1919, Pierre Bosc décrit : les grosses saucisses, les rouges andouilles pleines à éclater, les jambons outrageusement fumés, toute cette mangeaille au sortir de lourdes caisses de voyage était jeté en tas sur le parquet ou étalée sans soucis d’arrangement derrière les glaces des devantures. Quel contraste avec nos charcuteries si claires, si avenantes, si appétissantes, si françaises en un mot.
Attablés dans les salons de Yanka, de Meert ou de la Marquise de Sévigné, quand ils voulaient être sincères, ces étranges clients avouaient qu’à leur avis les gâteaux de France étaient ridiculement minuscules. Que voulez-vous que soit un petit gâteau de chez Yanka pour des hommes qui trouvent que c’est beaucoup que d’être quatre convives pour manger une oie de six livres.
Visiblement l’auteur a grossi le trait, il oppose sans cesse la lourdeur allemande et le bon gout français. Il accuse l’ennemi d’être un goinfre, essayez donc de manger une oie à quatre. Certes des allemands ont fréquenté les hauts lieux de la gastronomie lilloise, ils en avaient les moyens, mais ce n’était pas le cas des landsers, les troufions de base.
La critique des sources s’avère tout aussi nécessaire pour ce qui est des photographies.
A Templemars, les occupants qui se sont attribué les plus belles maisons de l’actuelle rue Jules Guesde organisent un anniversaire le 1er avril 1915. A cet effet, ils font venir sur place trois cuisiniers et un pâtissier détachés de leurs unités qui étaient à proximité. Afin de se souvenir de l’évènement mémorable, ils font une photo du personnel de cuisine. Les convives ont tous rang d’officier, bien souvent issus de la cavalerie. Tout le monde n’avait pas accès aux boitiers photographique. Encore une fois, il s’agissait d’un évènement exceptionnel auquel tout le monde n’était pas invité.